Les Leçons d’Introduction à la Psychanalyse
2016-2017 :
Le mystère du corps parlant
On parle avec son corps
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Argument
Le corps, c’est d’abord son image, tout autant lieu d’identité que de rivalité – la prolifération d’images exhibant toujours plus ce corps sur tous les écrans, redouble l’effort de la médecine à transformer sa transparence en savoir absolu.
Mais d’être pris singulièrement dans le langage, c’est bien autrement que ce corps apparait. Objet de paroles, il est découpé, nommé, historisé et de fait, décerné à celui qui parle. C’est tout l’apport de Freud qui constatait que l’anatomie du sujet hystérique – anatomie fantasmatique –, différait radicalement de l’anatomie universelle. Les mots sont pris dans toutes les images corporelles qui captivent le sujet indiquait déjà Lacan en 1953, et plus tard dans son séminaire Encore : « Un corps, ça se jouit de le corporiser de façon signifiante. » Cette entrée dans le langage se paie d’une livre de chair, une mortification qui unit subtilement le langage et le corps, celui-ci restant cependant toujours plus ou moins étranger à celui qui parle. Le C’est plus fort que moi traduit cette perte irrémédiable.
Il faut se faire à cette idée d’expérience que la jouissance de la vie se fait dans un exil de toute idée d’harmonie – le corps vivant est livré à des pulsions qui n’en font qu’à leur tête. Le corps parlant est une manière de dire que l’on parle avec son corps. Cela ne va pas de soi : ce rapport dérangé à son propre corps reste un mystère, le mystère de ce qui unit ou désunit le registre de la parole, du langage, du symbolique, et le registre du corps imaginaire et du corps de la jouissance.
Programme
Le thème est dans le fil du Congrès de l’AMP (Association Mondiale de Psychanalyse) à Rio en avril 2016. Qu’est-ce que le corps parlant ? C’est un mystère indique J.-A. Miller, reprenant un dire de Lacan de 1975 : « Le réel, dirai-je, c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient. »
I – Le corps et la formation du moi
1 – Le corps du stade du miroir : « Dans ma théorie du stade du miroir – la seule vue de la forme totale du corps humain donne au sujet une maîtrise imaginaire de son corps, prématurée par rapport à la maîtrise réelle. Cette formation est détachée du processus même de la maturation et ne se confond pas avec lui. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre I, Les écrits techniques de Freud (1953-1954), Paris, Seuil, 1975, p. 93.
2 – Moi idéal et idéal du moi : « […] Ce qui est menacé quand nous faisons allusion aux craintes d’atteintes narcissiques au corps propre, ce qui est atteint quand nous parlons de la nécessité de réassurance narcissique, nous pouvons le mettre au registre du moi idéal. L’Idéal du moi, quant à lui, intervient dans des fonctions qui sont souvent dépressives, voire agressives à l’égard du sujet. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre V, Les formations de l’inconscient (1957 – 1958), Paris, Seuil, 1998, pp. 288-289.
3 – Le corps du fantasme : « Le sujet en tant qu’il est barré, annulé, aboli, par l’action du signifiant, trouve son support dans l’autre, qui est ce qui, pour le sujet qui parle, définit l’objet comme tel. Cet Autre, objet prévalent de l’érotisme humain, nous essayerons de l’identifier. […] Cet autre est l’image du corps propre, au sens large que nous lui donnerons. En l’occasion, c’est là, dans ce fantasme humain, qui est fantasme du sujet, et qui n’est plus qu’une ombre, c’est là que le sujet maintient son existence, maintient le voile qui fait qu’il peut continuer d’être un sujet qui parle. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation (1958-1959), Paris, Seuil, 2014, p. 119.
II – Le corps parlant
4 – La livre de chair : « Il ne s’agit pas du corps en tant qu’il nous permettrait de tout expliquer par une sorte d’ébauche de l’harmonie de l’Umwelt et de l’Innenwelt ; c’est qu’il y a toujours dans le corps, du fait de cet engagement dans la dialectique signifiante, quelque chose de séparé, quelque chose de sacrifié, quelque chose d’inerte, qui est la livre de chair. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre X, L’angoisse, (1962 – 1970), Paris, Seuil, 2004, p. 254.
5 – Le corps de l’obsessionnel : « Le corps, le corps idéalisé et purifié de la jouissance, réclame du sacrifice de corps. C’est là un point très important pour comprendre ce que je vous ai annoncé la dernière fois et que je ne dois faire que télescoper, c’est à savoir la structure de l’obsessionnel. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre XI, D’un Autre à l’autre (1968-1969), Paris, Seuil, 2006, p. 372.
6 – Le refus du corps de l’hystérique : « Simplement, le discours de l’hystérique relève de la relation du discours du maître à la jouissance, en ceci que le savoir y vient à la place de la jouissance. Le sujet lui-même, hystérique, s’aliène du signifiant-maître comme étant celui que ce signifiant divise – celui, au masculin, représente le sujet –, celui qui se refuse à s’en faire le corps. On parle à propos de l’hystérique de complaisance somatique. Encore que le terme soit freudien, ne pouvons-nous nous apercevoir qu’il est bien étrange ? – et que c’est plutôt de refus du corps qu’il s’agit. À suivre l’effet du signifiant-maître, l’hystérique n’est pas esclave. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse (1969-970), Paris, Seuil, 1991, p. 107.
III – L’incidence de la langue sur le corps
7 – L’angoisse : « L’angoisse, c’est ce qui de l’intérieur du corps ex-siste, ex-siste quand il y a quelque chose qui l’éveille, qui le tourmente. Voyez le petit Hans, quand il se trouve que se rend sensible l’association à un corps, nommément mâle dans l’occasion, défini comme mâle, l’association à un corps d’une jouissance phallique. Si le petit Hans se rue dans la phobie, c’est évidemment pour donner corps à l’embarras qu’il a de ce phallus. »
J. Lacan, « Le séminaire livre XXII, RSI » (1974-197), inédit.
8 – Le symptôme est un événement de corps : « Laissons le symptôme à ce qu’il est : un événement de corps, lié à ce que l’on l’a, l’on l’a de l’air, l’on l’aire, de l’on l’a. Ça se chante à l’occasion et Joyce ne s’en prive pas. Ainsi des individus qu’Aristote prend pour des corps, peuvent n’être rien que symptômes eux-mêmes relativement à d’autres corps. Une femme par exemple, elle est symptôme d’un autre corps. Si ce n’est pas le cas, elle reste symptôme dit hystérique. »
J. Lacan, « Joyce le symptôme » (1975), Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 569.
9 – La rencontre de lalangue avec le corps : « C’est toujours à l’aide de mots que l’homme pense. Et c’est dans la rencontre de ces mots avec son corps que quelque chose se dessine. […] Ce langage qui n’a absolument pas d’existence théorique, intervient toujours sous la forme de ce que j’appelle d’un mot que j’ai voulu faire aussi proche que possible du mot lallation – lalangue. »
J. Lacan, « Conférence à Genève sur le symptôme » (1975), Le bloc-notes de la psychanalyse n°5, 1985, p. 11.
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